Il était une fois Philippe (2005/2006)
Le psychomotricien, s’appelle Philippe.
Ca fait longtemps qu’il fait ça, Philippe, alors la musique il la connaît… du coup, il a adopté des « prudences verbales », et ses vérités sont adoucies par un regard dans le flou, sur le côté, tourné vers son expérience, tourné vers le bon choix des mots. Oui, toujours bien se faire comprendre. Non, vous n’avez pas « mal fait » ; « Oui, vous avez fait ce que vous pouviez ». « Oui, vous êtes en droit d’attendre des choses de votre fils, c’est naturel, et là, vous vous trouvez face à un mur, et ça, c’est « vachement difficile… » , avec ce petit hochement de tête qui lui est si typique, presqu’une « marque de fabrique philipienne » mélange de compréhension, d’empathie et de Philippe tout court. Il comprend parce qu’il la connaît cette peine des parents, il connaît les écueils sur lesquels on s’échoue et où certaines familles perdent pieds, s’abîment et… coulent.
Et il m’explique ce qui peut se passer dans le petit corps de Pierre. Et je comprends un peu mieux mon fils, grâce à lui. Et je l’écoute, cette voix si particulière, si douce. Il me relève et m’aide, car il sait qu’il ne sait pas tout, mais ce qu’il sait, non seulement il le sait, mais… il le sent aussi.
Il observe, il « atchic-atchic-atchiquise »… fait des drôles de bruits, fait de drôles de choses, et toujours, toujours, finir par m’expliquer pourquoi il fait ces choses bizarres avec Pierre. « Là je cherche à voir ses réactions à quelque chose de nouveau » ; « là, il nous a quitté, on n’était plus en interaction avec lui » ; « là il recherche des sensations qui stabilisent des émotions qu’il inhibe » ; « les émotions sont très déstabilisantes pour les enfants comme votre petit garçon, donc il va répéter le même geste pour se sécuriser »….
Et encore, et encore, et encore. Philippe et son regard vert, vers la bataille quotidienne, vers les petits trucs qui peuvent décoincer là où ça grippe, vers les particularités de Pierrot, ses coups de barre quotidien : « je suis sûr, il y a quelque chose à faire contre ça… je suis sûr, ses baisses de vigilance, il est comme assommé, il faut leur en parler aux spécialistes, il faut qu’ils en tiennent compte, il faut leur re-re dire, encore et encore… »
Philippe est un « psychomotricien-hocheur de tête », qui comprend, c’est sûr, bien mieux que n’importe quel autre spécialiste ; parce que les familles il les accompagne, chez elles, de 15 jours en 3 semaines. La fatigue, l’inquiétude, le manque de temps, c’est du linge qui s’accumule dans le panier, la vaisselle du midi posée près de l’évier, un Pierre qui a du mal à se réveiller, des jumeaux qui font tout pour attirer son attention… et j’en passe. Et ça il le voit. C’est lui mon tuteur, mon soutien, mon meilleur « baromètre de Pierre »… Je le regarde qui observe, je le regarde qui écoute, il observe, analyse, décrypte et encourage…Et alors, au-delà de tout ce qu’il nous apporte, de son métier, j’ai presqu’envie d’en faire le mien !!!